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Comment la CRTO a simplifié le statut des enseignants dans l’ensemble du réseau des collèges de l’Ontario

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Les collèges de l’Ontario emploient de nombreux termes pour caractériser leurs enseignants. On trouve des professeurs et des instructeurs, qui peuvent encore être distingués selon qu’il s’agit d’employés à temps partiel, à charge partielle, engagés pour une période limitée ou à temps plein. S’il est facile d’identifier les professeurs à temps plein, il peut être délicat de savoir qui est quoi et qui fait quoi au sein du groupe des employés qui ne travaillent pas à temps plein. Il existe cependant une règle simple à laquelle il est possible de recourir pour déterminer le statut d’une personne enseignant dans le système des collèges de l’Ontario. Grâce à une décision de la Commission des relations de travail de l’Ontario (CRTO) dont nous allons traiter ici, la règle reste simple et facile à appliquer. Dans cet article, nous nous concentrerons sur la définition des termes « temps partiel », « charge partielle » et « engagé pour une période limitée », et aborderons les différences entre « professeur » et « instructeur » une autre fois.

 

La caractéristique fondamentale du statut d’un professeur ou d’un instructeur dans un collège d’arts appliqués et de technologie est l’heure de contact d’enseignement ou « HCE ». Les HCE sont la valeur qu’utilisent les collèges, les enseignants et le Syndicat des employés de la fonction publique de l’Ontario (SEFPO) pour déterminer si un professeur ou un instructeur est un employé à temps partiel, à charge partielle ou engagé pour une période limitée. Commençons par définir ces groupes :

 

Professeurs/instructeurs à temps partiel – ces personnes enseignent jusqu’à 6 heures par semaine. Cela signifie qu’elles ont jusqu’à 6 HCE hebdomadaires. Elles peuvent enseigner 1,75 heure par semaine ou 6. Les professeurs/instructeurs à temps partiel ne font pas partie de l’unité de négociation du corps enseignant représentée par le SEFPO.

Professeurs/instructeurs à charge partielle – les employés à charge partielle « enseignent plus de six heures et jusqu’à 12 heures par semaine inclusivement sur une base régulière ». Cela signifie que leur nombre d’HCE peut être de 7, 8, 9, 10, 11 ou 12. Les enseignants à charge partielle font partie de l’unité de négociation du corps enseignant représentée par le SEFPO.

 

Professeurs/instructeurs engagés pour une période limitée – les enseignants engagés pour une période limitée sont employés à temps plein, mais pour une période limitée. Cela signifie qu’ils ont plus de 12 HCE hebdomadaires. Ces personnes peuvent travailler « à temps plein » pour un maximum de 12 mois sur une période continue de 24 mois. Elles ne font pas partie de l’unité de négociation du corps enseignant représentée par le SEFPO, mais si elles travaillent plus de 12 mois, leur poste « bascule » dans l’unité de négociation du personnel à temps plein.

L’importance du statut d’un employé réside dans le fait qu’il détermine s’il est inclus ou non dans l’unité de négociation représentée par le SEFPO. Les enseignants à temps partiel et engagés pour une durée limitée ne font pas partie de l’unité de négociation et ne sont pas représentés par le SEFPO. Les enseignants à charge partielle sont représentés par le SEFPO.

 

Le SEFPO a contesté devant la CRTO la pratique consistant à affecter un statut aux employés sur la seule base de leurs HCE lors de sa requête en accréditation pour représenter les enseignants, les conseillers et les bibliothécaires à temps partiel et engagés pour une période limitée en tant qu’unité de négociation (Ontario Public Service Employees Union (“OPSEU”) v College Employer Council, 2019 CanLII 81429 (ON LRB)).

 

Les collèges recrutent parfois des professeurs et des instructeurs pour effectuer des tâches ne relevant pas de l’enseignement, telles que la coordination des programmes de formation générale, la conception de programme-cadre, la supervision de stages pratiques et la surveillance d’examens (ce qu’on appelle les « tâches connexes »). L’argument du SEFPO était le suivant : les « heures qui ne sont pas des heures de contact d’enseignement (qualifiées de tâches connexes) devraient être prises en compte pour déterminer si l’enseignant relève de l’unité de négociation du corps enseignant à temps partiel ou de l’unité de négociation du corps enseignant à temps plein ».

 

Le Conseil des employeurs des collèges a rejeté cette caractérisation, en avançant que la pratique des parties depuis plus de 40 ans consistait à ne compter que les HCE pour déterminer le statut et que la convention collective étayait cette analyse, dans la mesure où elle définit les professeurs et les instructeurs en fonction de leurs HCE, en utilisant des expressions comme « qui enseignent six heures ou moins » et « qui enseignent plus de six heures et jusqu’à 12 heures ».

 

Les sentences arbitrales qui avaient examiné cette question auparavant ne l’avaient pas entièrement tranchée. Même si la jurisprudence penchait majoritairement en faveur de la position du Conseil des employeurs des collèges, une décision avait été influencée par l’argument du SEFPO et avait pris en considération les tâches accomplies par un coordonnateur de programme pour déterminer si son statut était celui d’employé engagé pour une durée limitée ou d’employé à charge partielle. Pour parvenir à sa décision, la CRTO est partie des principes d’interprétation des lois et a constaté que l’Assemblée législative, dans ce cas précis, avait repris la terminologie de la convention collective pour l’insérer dans la loi (la Loi sur la négociation collective dans les collèges), contrairement à l’usage qui veut que les parties intègrent la terminologie de la loi dans leurs conventions. L’intention des parties et leur pratique des 40 dernières années ont ainsi pesé dans la définition de l’intention de l’Assemblée législative.

 

L’arbitre a noté que la convention collective traitait différemment les tâches d’enseignement et les tâches connexes des employés à temps plein, preuve que les parties avaient eu l’intention de les distinguer. Les enseignants à charge partielle, qui sont inclus dans l’unité de négociation, ont une structure de rémunération détaillée reposant sur les HCE, laquelle considère la préparation et l’évaluation comme un « concept incommensurable ». Une preuve de plus que les parties souhaitaient que les HCE déterminent le statut, et rien d’autre.

 

Comme l’arbitre l’a observé, « … il existe une distinction claire entre l’assignation des tâches d’enseignement d’une part, et les tâches ne relevant pas de l’enseignement (parfois qualifiées de tâches connexes) d’autre part. Traditionnellement, les parties ne tiennent pas compte des tâches ne relevant pas de l’enseignement dans le calcul pour faire passer un enseignant du statut d’employé à temps partiel au statut d’employé à charge partielle, puis d’employé engagé pour une période limitée en vertu de la convention collective, pour la raison que cela le ferait entrer et sortir de l’unité de négociation du corps enseignant à temps plein. » En outre, l’inclusion des tâches connexes conduirait à un résultat absurde. Les collèges recrutent aussi bien du personnel enseignant que non enseignant pour effectuer les tâches connexes, ne relevant pas de l’enseignement. La position du SEFPO était que dès lors qu’un enseignant accomplissait ces tâches additionnelles, elles devaient être prises en compte pour déterminer son statut, mais si elles étaient réalisées par un membre de personnel non enseignant, elles ne le seraient pas. La CRTO a conclu qu’une telle interprétation n’était pas « … compatible avec une lecture harmonieuse de la Loi sur la négociation collective dans les collèges ».

 

En fin de compte, bien que non tenue de respecter les décisions des arbitres, la CRTO a examiné leur jurisprudence et conclu que les décisions importantes et convaincantes favorisaient l’interprétation du Conseil des employeurs des collèges. Une affaire en particulier, Algonquin College v Ontario Public Service Employees Union, Local 415, 2018 CanLII 68686 (ON LA) (Knopf), a suscité une attention considérable. Dans cette affaire, l’arbitre Knopf avait fait la remarque qu’un employé recruté non pas pour enseigner, mais pour effectuer 24 heures hebdomadaires en tant qu’adjoint de programme pouvait « basculer » du statut d’employé engagé pour une période limitée à celui d’employé à temps plein selon l’interprétation du SEFPO. Elle s’était interrogée :

Les parties auraient-elles pu souhaiter qu’un adjoint de programme puisse obtenir un poste permanent de professeur, passant de fait devant des collègues à temps plein ou à charge partielle plus compétents? Il est difficile d’imaginer que les parties aient pu envisager un tel résultat. Le statut d’employé permanent à temps plein est un statut important et très recherché; il est difficile à atteindre et cette convention collective ne le confère pas facilement.

 

La CRTO est parvenue à la conclusion que les HCE, soit le nombre d’heures passées à enseigner, constituaient le facteur déterminant concernant le statut d’un enseignant en vertu de la convention collective dans le secteur des collèges, et a conforté plus de 4 décennies de pratique. Cette conclusion signifie que la détermination du statut d’une personne, qu’elle appartienne ou non à l’unité de négociation, ne repose ni sur un examen complexe de toutes ses tâches, ni sur la nature suffisamment scolaire ou non de ces tâches. Il suffit de compter le nombre d’heures hebdomadaires qu’un enseignant passe à enseigner, et ce simple calcul donne un résultat sans équivoque.