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Effectifs du collège et viabilité économique

CEC

Dans une récente décision arbitrale, un arbitre a déterminé que le Collège avait violé la convention collective parce qu’il n’avait pas remplacé un professeur à temps plein qui prenait sa retraite en embauchant un autre professeur à temps plein dans le même programme.

Pourquoi ce cas est-il important ? 

Il s’agit de la première décision dans le secteur collégial qui tient compte du nouveau texte de 2014 qui a ajouté la « viabilité économique » comme l’une des exigences opérationnelles qui libèrerait un collège de son obligation d’embaucher des professeures et professeurs à temps plein plutôt que des professeures et professeurs à charge partielle et vacataires. Il fournit une excellente justification du droit de gestion des collèges à diriger leurs opérations de la manière qu’ils jugent appropriée. Il ne permet pas au syndicat ou à un arbitre de substituer leurs propres opinions sur les mesures qu’un Collège devrait prendre pour augmenter sa viabilité économique.

 

Les faits : 

Le programme sur trois ans de soins aux enfants et aux jeunes (Child and Youth Care Program, ou CYC) du Lambton College est en vigueur depuis de nombreuses années. Le programme fonctionnait avec trois professeures et professeurs à temps plein, mais après la retraite d’un professeur en 2019, le collège ne l’a pas remplacé par un autre professeur à temps plein. Le syndicat a donc déposé un grief en vertu de l’article 2 de la convention collective qui stipule que les collèges doivent accorder la préférence à l’embauche de professeures et professeurs à temps plein par rapport aux professeures et professeurs à charge partielle. Bien qu’il y ait eu suffisamment de professeures et professeurs disponibles pour justifier la préférence prévue à l’article 2, le collège a fait valoir qu’il était libéré de l’obligation d’accorder la préférence pour cause de viabilité économique.

Les inscriptions au programme étaient stables avec entre 49 et 60 étudiantes et étudiants en première année depuis plusieurs années. Mais en 2016, les inscriptions en première année ont commencé à diminuer, et les effectifs n’étaient plus que de 31 étudiantes et étudiants en 2021. On a également enregistré une baisse des effectifs en deuxième et en troisième année.

Le Collège avait pris des mesures pour tenter d’enrayer la diminution du nombre d’inscriptions et accroitre la viabilité du programme, notamment en affectant du temps aux professeures et professeurs afin de trouver des moyens d’améliorer l’efficacité, en appuyant les démarches d’accréditation, en accordant des fonds supplémentaires pour le marketing et en proposant le soutien du bureau du doyen aux professeures et professeurs et aux étudiantes et étudiants. Malgré ces efforts, le déclin a persisté.

 

La position du Collège :

 En raison de la baisse des inscriptions, le Collège a fait valoir que l’ajout d’un autre professeur à temps plein n’était pas économiquement viable, ce qui constitue une exception à la clause de préférence de l’article 2. Une attente commune dans le secteur des collèges publics est que la plupart des programmes contribuent à hauteur de 30 % de leurs revenus aux frais généraux du Collège. Cela permet au Collège de disposer des revenus nécessaires pour entretenir les terrains et les bâtiments qui abritent leurs programmes et pour offrir des services aux étudiantes et étudiants qui ne sont pas directement liés à un programme (p. ex., tutorat, orientation, bibliothèques, sports, etc.). 30 %, c’est également le taux de contribution attendu par le ministère des Collèges et Universités de l’Ontario. La contribution du CYC avait baissé à seulement 11 % en 2021-2022, et si le Collège embauchait un nouveau professeur à temps plein, le programme aurait présenté une contribution nette négative de 13 %.

 

La position du syndicat : 

L’arbitre a décrit la position du syndicat comme suit : « le collège devrait en faire plus avant d’être autorisé à s’appuyer sur une exception spécifiée à l’article 2, et ce “plus” consiste à assigner aux professeures et professeurs des tâches de recrutement spécifiques dans le cadre de leur charge de travail ». Le syndicat a également fait valoir que la grève des professeures et professeurs en 2017, ainsi que la pandémie de Covid-19, qui se sont produites parallèlement à la baisse des inscriptions, étaient des évènements distincts et indépendants qui ne devraient pas avoir de poids significatif. 

 

La décision : 

L’arbitre a jugé qu’il incombait au Collège d’établir une exigence opérationnelle liée à la viabilité économique qui justifie la décision de ne pas embaucher une professeure ou un professeur à temps plein. Toutefois, ce faisant, le Collège n’a pas besoin de déployer des efforts herculéens pour sauver un programme ou des efforts hors normes pour tout programme du Collège. Si l’arbitre acceptait la position du syndicat selon laquelle il faudrait ajouter du temps à la charge de travail standard pour les projets liés au marketing, il substituerait sa propre opinion sur la manière dont le Collège devrait gérer ses opérations, ce qui serait incompatible avec les limites de la portée de l’examen arbitral. 

L’attente du Collège que les programmes contribuent aux frais généraux a été jugée raisonnable, et l’arbitre a également reconnu que l’exigence de contribution de 30 % était justifiable. 

Le dernier point à souligner est que la viabilité économique est une considération ponctuelle, et que les spéculations sur la reprise future ne sont pas pertinentes. Comme de nombreux experts économiques prévoient une récession, il serait sage pour les collèges de se rappeler que cette conclusion peut aller dans les deux sens et de garder à l’esprit que les préoccupations qui ne peuvent être soutenues par des preuves peuvent ne pas être prises en compte.

En définitive, l’arbitre a conclu que le Collège n’était pas obligé d’embaucher d’autres professeures et professeurs à temps plein en raison de l’exigence opérationnelle de la viabilité économique. Cette décision nous rappelle que la direction du Collège a le pouvoir de décision ultime pour gérer les programmes de manière prudente et responsable sur le plan financier, et que les arbitres n’insèrent pas leur propre opinion ou celle des autres sur la manière dont les décisions devraient être prises.